L’égalité de genre, un concept déterminant et incontournable dans le processus du relèvement précoce des pays fragilisés par des situations de crise (conflit ou catastrophe naturelle).

Selon un rapport publié en 2016 sur les stratégies et champs d’intervention du programme des Nations Unies pour le développement, il a été démontré que les conflits et les catastrophes naturelles affectent de plus en plus lourdement le développement de l’être humain et aussi constituent des obstacles majeurs autant pour la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement (OMD) que pour les objectifs de développement durable (ODD) (PNUD, rapport annuel du PNUD, 2016). Durant ces périodes de crise, les acteurs.trices humanitaires se donnent pour devoir d’accompagner les pays affectés en intervenant auprès des communautés dans le but de les aider à se relever progressivement. Les initiatives dont ils.elles mettent en œuvre cherchent à répondre en priorité aux besoins immédiats des régions les plus touchées, mais aussi de renforcer la résilience de la population aux chocs futurs. Dans son ensemble, cette démarche se rapporte à la notion du relèvement précoce qui se définit comme étant une approche coordonnée, intégrée et inclusive qui utilise les proportions et les dispositifs de l’action humanitaire pour consolider une sortie durable d’une crise, pour faciliter la résilience des communautés affectées, pour promouvoir les opportunités de développement et pour ainsi garantir des changements sociaux plus efficace (IASC, 2012). Le relèvement précoce implique aussi la remise en marche graduelle des services essentiels associés à la gouvernance, à l’économie, au moyen de subsistance, ainsi que de la sécurité et de l’état de droit (ONUFEMMES, Le relèvement précoce, 2013).

Cependant, suivant une étude initiée par l’USAID sur la fragilité de l’état de droit dans les pays en temps de crise, les résultats obtenus ont constaté une prévalence bien plus élevée de traitement inéquitable des femmes en comparaison aux hommes (ONUFEMMES, Conséquences pour les individus et les communautés, 2013). En plus de cela, il a été démontré que les femmes et les hommes subissent les impacts d’une crise de manières très différente. Pour cause, ces situations entraînent généralement une régression au niveau des progrès accomplis par les femmes en matière de parité avec les hommes. A cet effet, si les perspectives de Genre ne sont pas prises en compte dans les premières étapes du processus de réflexion et de décision du relèvement précoce, cela peut avoir de répercussions négatives à long terme sur le mode de vie des femmes, des filles, mais aussi sur celui des hommes et des garçons. D’une manière particulière, cela peut affecter les structures de gouvernance, les politiques et les pratiques sociales qui contribuent au renforcement des inégalités sociales et économiques entre hommes et femmes (IASC, 2012).

Cependant, même si les femmes subissent les impacts d’une crise de manière disproportionnée par rapport à leurs homologues masculins, elles sont pourtant loin d’accepter ou encore de se comporter comme de simple victime. Au contraire, elles représentent de puissants agents dans le processus de renforcement et de restructuration de leurs communautés. À titre d’exemple, elles détiennent des connaissances et des compétences uniques qui sont indispensables dans la gestion des risques :

• Dans les communautés les plus vulnérables, les femmes sont stratégiquement mieux placées pour mener le développement durable par le biais de la réduction des risques de catastrophes. Étant en grande partie les seules responsables de l’approvisionnement en nourriture, en eau et en énergie dans différents endroits à travers le monde ; elles sont considérées comme les gestionnaires avisées des ressources(l’UNISDR, 2010).
• L’autonomisation des femmes dans le cadre de la réduction des conflits et des risques de catastrophes, consolide les investissements au titre de l’égalité entre les genres en matière de développement, à la fois au niveau local et national(l’UNISDR, 2010).
• Les connaissances traditionnelles que disposent certaines femmes en matière de ressources naturelles sont primordiales dans la gestion des risques de catastrophes et l’adaptation au changement(UNISDR, 2019).
• Les femmes à travers le monde œuvrent continuellement au sein de leur communauté en faveur de l’adaptation et de la prévention liées aux catastrophes afin d’être en mesure de surmonter les impacts négatifs(UNISDR, 2019).
• De par leur quotidien, les femmes sont proactives dans la préparation et dans la réponse liées aux catastrophes(UNISDR, 2019).

À la lumière de ces faits, il devient évident que les interventions qui priorisent une approche de relèvement exempt de discrimination et qui mettent l’accent sur les besoins, les priorités et les capacités de la population et en particulier des femmes et des filles sont plus susceptibles de contribuer à l’amélioration des conditions d’existence des personnes affectées (IASC, 2012).

Par conséquent, pour que ces perspectives d’égalité du genre puissent être effectives dans ces contextes de crise, il s’avère indispensable de mener au préalable une analyse des besoins sensibles au genre. Cette disposition se place comme étant la première étape pour s’assurer que la programmation et les interventions dans le contexte du relèvement précoce soient concrètent et efficaces pour pouvoir restaurer la dignité humaine des personnes concernées. Elle est aussi fondamentale dans la compréhension des dynamiques sociales et de genre pouvant favoriser ou au contraire diminuer la productivité de l’aide humanitaire (IASC, 2012). Selon le Conseil de l’Europe, on entend par égalité de genre, l’équilibre concret en matière d’autonomie, de responsabilité et de participation des hommes et des femmes dans toutes les sphères de la vie publique et privée. Le principe d’égalité de genre commande d’accepter et de valoriser les différences inhérentes aux femmes et aux hommes incluant les divers rôles dont ils. elles jouent en société. L’égalité entre les deux sexes implique de développer des stratégies justes et efficaces afin de trouver les meilleurs moyens possibles pour aller plus loin afin de parvenir à changer les structures de la société qui contribuent à maintenir des relations de pouvoir inégales entre femmes et hommes (CDE, 2022).

Toujours dans cette perspective de considération des femmes dans la gestion des situations de crises, plusieurs acteurs ont consenti à travailler conjointement pour développer des politiques et des stratégies pouvant faciliter, renforcer ou améliorer l’intégration des questions de genre dans la réduction des risques tant sur le plan national et mondial. À cet effet, on retrouve les avancées suivantes :

• Le PNUD à travers son « Agenda en huit points pour l’autonomisation des femmes et l’égalité des sexes dans la prévention des crises et le relèvement » démontre la nécessité de promouvoir l’égalité de genres dans les initiatives de réduction des risques, de conflits, de catastrophes afin de supporter les efforts des femmes et des hommes pour reconstruire en mieux(UNISDR, 2019).
• Le cadre d’action de Hyogo, conférence mondiale des Nations unies sur la prévention des catastrophes naturelles et qui fut approuvé par 168 gouvernements nationaux, souligne comme actions prioritaires qu’une perspective sexospécifique doit être incorporé dans toutes les politiques et tous les plans et processus décisionnels relatifs à la gestion des crises, des catastrophes, y compris dans ceux concernant l’évaluation des risques, l’alerte rapide, la gestion des informations, ainsi que l’éducation et la formation des populations concernées(UN, Cadre d’action de Hyogo: aider les nations et les collectivités à mieux résister aux catastrophes, 2005).
• L’agenda de Beijing qui plaide en faveur d’une initiative mondiale pour la réduction des risques de catastrophes sensible au genre, prescrit des directives spécifiques à l’intention des gouvernements et des organisations internationales en vue de mener des actions adaptées, et susceptibles de renforcer la résilience en situation de catastrophes de manière efficace tout en tenant compte de la dimension de genre tant au niveau local que national(UNISDR, 2019).
• La Stratégie de Yokohama encourage la participation et la responsabilisation des femmes et autres groupes sociaux défavorisés à toutes les phases des programmes de gestion de crises afin de faciliter le renforcement des capacités, des conditions préalables essentielles afin que les communautés soient moins vulnérables(UN, Conférence mondiale sur la prévention des catastrophes naturelles de Yokohama, 1994).
• À travers le concept des clusters, et en particulier celui du relèvement précoce, la notion de Genre reste obligatoire et transversale dans les différentes sphères d’activités ainsi que dans différentes thématiques se rapportant à la nutrition, à la protection, à la santé, à l’éducation, à l’environnement, aux moyens de subsistance et autres(DJEKOU, 2012).

En somme, il est clairement établi que dans les situations de crise, la considération sexospécifique qui renvoie aux besoins différentiés entre les hommes et les femmes reste et demeure un élément incontournable dans le processus du relèvement précoce. Elle est d’autant plus prioritaire dans la réflexion et dans la démarche de l’action humanitaire visant à rétablir une stabilité dans les pays affectés, mais aussi pour faciliter le processus de paix durable au niveau local et national. Plus encore, ces femmes à travers leur capacité de gestion représentent des piliers essentiels dans la restauration de la cohésion sociale, dans la promotion de la réconciliation et enfin dans la reconstruction progressive qui devrait mener la démarche du relèvement précoce au lendemain des catastrophes ou des conflits vers un processus de développement durable (PNUD, Prévention des crises et relèvement : la sécurité face aux crises, 2019).

*Article rédigé par Barbara ACLUCHE (barbara.acluche@gmail.com) en mars 2022 dans le cadre du cours Thèmes émergents en développement international et action humanitaire/ GIE-6031.

Programme de maitrise en Développement international et Action humanitaire de la faculté des sciences de l’administration à l’Université Laval du Québec au Canada. *

Bibliographie :

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• UNISDR, P. e. (2019). Intégration de la dimension de genre dans la réduction des risques de catastrophes. Retrieved from Nations Unies: https://www.unisdr.org/files/9922_publicationintgrationdugenredanslar.pdf